« À nos chiens difficiles »

« À nos chiens difficiles »

Voici ici un extrait du livre « Le chien, cet animal qui nous échappe » d’Audrey Ventura, éducatrice et comportementaliste chez Cynoconsult. Je me permets, avec son accord, de vous partager ses lignes (et de vous recommander vivement son ouvrage !) car elles raisonnent en moi avec un profond échos de vérité. Les sentiments qu’elle y décrit avec tant de justesse, je les ai tous ressenti… Aussi peut-être, et même surement, vous y retrouverez vous, vous aussi. C’est pourquoi je vous partage son travail. Car j’espère qu’à la lecture de ce chapitre, vous vous sentirez investi d’une énergie, d’une confiance, d’une conscience, et d’une motivation nouvelle, car derrière les progrès de chaque chien, se cachent ceux de son humain….

« Je sais parfois que vous regardez les autres chiens, vous regardez les autres humains et vous vous dites que finalement vous êtes nul(le). Vous pensez que votre chien le sait ou que peut-être, c’est lui qui est bête. Vous êtes démuni. Pourquoi ? Les raisons peuvent être diverses mais elles ont toutes leur lot de découragement et de souffrance. Votre chien préfère l’environnement à votre compagnie. Pire, votre chien accourt vers tous les humains qu’il croise mais se sauve quand il est avec vous. Votre chien ne vous respecte pas, ne respecte pas votre maison. Votre chien n’aime pas travailler les exercices que vous souhaiteriez lui apprendre. Votre chien est réactif à tout, et vous épuise au quotidien. Votre chien semble ne rien vouloir, ne s’intéresser à rien de ce que vous proposez, etc. Bref, votre chien n’est pas « facile ». Allez, disons-le une fois pour toutes : votre chien est « difficile ». Vous vous demandez ce que vous avez fait pour mériter tout ça, surtout lorsque vous observez cette personne au loin réaliser des tours incroyables avec son Border Collie merveilleux.

Vous vous y voyez ?

Croyez-moi, cette situation n’est pas sans issue. Un jour vous comprendrez que ce chien « difficile » n’est pas entre vos mains par hasard. Un jour, qui peut vous sembler très lointain, une personne passera et vous dira que votre chien semble génial, que vous avez l’air d’entretenir une relation forte avec lui. Alors, non sans un sourire aux lèvres, vous reverrez vos crises de nerfs, ses destructions, vos larmes, ses fugues et ses morsures peut-être. Et là, vous serez fier de tout ce que vous avez traversé ensemble car aujourd’hui, c’est du passé. Gardez dans un coin de votre tête que si vous parvenez à construire une relation avec ce chien-là, si vous allez au bout de son éducation, vous aurez énormément appris, sur ce chien-là certes, mais surtout sur vous-même.

En ce qui me concerne, mon professeur a été Scarlet. Unique femelle des Bergers allemands que j’ai éduqués, elle a fait voler en éclats toute ma zone de confort. Son éducation a duré presque 3 ans, elle en a 5 aujourd’hui. Elle n’a rien de la bonne élève, rien de la figure emblématique du Berger allemand, chien « obéissant et aimant faire plaisir à son humain » (!). Scarlet n’est pas Kazan. C’est le contraire. Kazan, ce grand et magnifique Berger allemand qui me faisait penser « quelle excellente éducatrice tu seras ». Scarlet, toute en énergie pétrie d’instinct, qui m’a fait penser de moi « tu n’es bonne qu’à éduquer des chiens dociles ».

Prédatrice, indépendante, exigeante, n’ayant aucun attrait particulier pour les humains qu’elle croise, presqu’aucun pour ses congénères, totalement immergée dans l’environnement naturel, inépuisable et surtout, libre. Aujourd’hui quand je me promène avec elle et que je croise son regard, j’ai parfois l’impression de pouvoir toucher l’instinct sauvage. Je prends conscience de tout ce que l’homme ne pourra jamais voler à certains chiens. Cela me rassure. Ses comportements primitifs, j’ai voulu les combattre au début de notre relation. Ce fût l’un de mes plus grands tords, elle me l’a bien fait comprendre. Mais quand on est éducatrice, on aimerait que son chien soit un exemple, qu’il soit joueur, qu’il aime tout le monde. C’est en décalage avec la personnalité de certains chiens qui ne souffre aucune instrumentalisation. Enfin, c’est immature.

Je sais que vous êtes nombreux à vivre une situation qui peut parfois ressembler à un calvaire. La fierté, la honte, la peur d’être incompétent poussent à ne pas en parler. Sachez en tous cas que ces chiens-là ce rapprochent lentement et finissent par apprendre de nous. Ils prennent juste plus de temps. Ils apprennent quand ils veulent mais ils retiennent bel et bien, à leur manière, si respectable. Ne comparez jamais votre chien « difficile » à celui de votre voisin. Vous avez un chien difficile ? Tant mieux. Il vous apprendra l’humilité, la patience, la frustration, l’observation, le lâcher-prise, la remise en question, etc. Il vous rendra fier de vous et du chemin accompli et vous lui en serez infiniment reconnaissant. En tout cas, ce chien difficile, c’est le vôtre. Il est dans votre vie pour une bonne raison. Et il pourrait bien vous la changer de manière très positive. »

« Les erreurs ne se regrettent pas, elles s’assument ! La peur ne se fuit pas, elle se surmonte. L’amour ne se crie pas, il se prouve. »

Simonde Veil

À Inouk.

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